samedi 5 mars 2022

Le jour où je dirai mon dernier mot.

Il y a bien un jour où je dirais mon dernier mot. Mais quel jour ? Quel âge aurais-je ? Serais-je vieux, très vieux ? Cheveux blanc, ridé, alité, amaigri, à tousser, ne pouvant plus marcher, mes articulations me faisant mal ? Tout ce qui m'aura préoccupé durant toute ma vie se sera alors évanoui et n'aura plus d'importance. A quoi penserais-je durant ces derniers jours ? Que ressentirais-je ? Je dirais mon dernier mot, mais lequel ? « J'aimerais encore boire un café ? », « Il fait bien beau aujourd'hui. », «Si je pouvais revoir la mer une dernière fois. », « Je n'ai plus la force de faire un dernier dessin », « J'ai aimé dessiner », « Est-ce que tout ce que j'ai fait à servi à quelque chose ? », « Heureusement que tu m'as aimé. », « Je veux bien partir mais je ne veux pas te quitter, et surtout pas te laisser seule. Qui va s'occuper de toi quand je ne serais plus là ? De qui pourras-tu t'occuper après moi ? », « J'ai froid », « Peux-tu éteindre la lumière ? ». Aurais-je toujours l'envie de commencer un dernier roman ? Cela aura-t-il encore un quelconque intérêt ? Aurais-je encore du bonheur à regarder un tableau de Monet ou un dessin de Nicolas de Crécy ? Quel dernier mot et quel dernier regards poserais-je sur le monde. 

Il y a un jour où je dirais mon dernier mot. Sera-t-il un résumé de tout ce que j'ai vécu ? Une conclusion ? Sera-t-il lourd de mes illusions, de mes déceptions ? Sera-t-il un écho à toutes mes joies ? Avant de dire mon dernier mot, je me souviendrais peut-être des moments de ma vie, dans les tiroirs de ma mémoire, j'y sélectionnerais les plus heureux, les plus émouvants, les colorés, les joyeux. Si je peux, si je m'en souviens, si j'en ai la force. Ma mémoire n'a pas tout retenu, il me manque des morceaux, et peut-être qu'arrivé là, elle sera pleine de trous. Je devrais laisser mes regrets, tout ce que j'aurais voulu faire et que je n'ai pas pu, tout ce que j'aurais voulu ne pas faire, ne pas dire et que je n'ai pas su. Enfin, je pourrais laisser les blessures et les peines qui m'ont accompagnées, les laisser être enterrées et enfin oubliées. Plus personne dans ce monde n'y pensera. Je dirais mon dernier mot, mais sur quel ton ? Celui de la satisfaction du chemin parcouru ? Des progrès accompli ? Ou celui de la tristesse dont je n'ai jamais totalement pu me débarrasser ? Ou la joie j'espère, la joie enfin, d'avoir vécu, de ne pas avoir été écrasé ? Ou la paix, tout est bien comme ça, j'ai fait ce que j'ai pu, j'aurais pu faire mieux, j'aurais pu faire plus, j'aurais du. Plus ou mieux, est-ce vraiment important ? Quels sont les derniers mots que j'aimerais prononcer ? Qu'y a-t-il de plus important finalement ? Je devrais peut-être les écrire bien avant que le dernier jour vienne... « J'ai été aimé et maintenant tout peut commencer. », « Merci d'être encore là, près de moi, je pars, mais je ne t'abandonne pas », « Au revoir, à tout-à-l'heure ».


Autres textes 

Sur ce blog = Le jour où l'on m'a parlé de Rickey (sur l'amour et la peine de mort), Le jour où je suis allé sur la tombe de Géronimo (sur l'Oklahoma, sur la guerre).

Sur Amazon = "Résonances fragmentées" (sur la peine et l'espérance) et "Bienvenue en Hippolie" (sur la démocratie).

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